Les instruments de la Passion

 

Moyen visuel pour mémoriser ce que fut la Passion du Christ en reproduisant les instruments de cette Passion

" Dans les cultures archaïques, la mort initiatique est justifiée par un mythe d'origine qui peut se résumer comme suit : un Etre surnaturel avait essayé de 'renouveler' les hommes en les tuant afin de les ressusciter 'changés' ; pour une raison quelconque, les hommes ont tué cet Etre surnaturel, mais ils ont célébré ensuite des rites autour de ce drame ; plus exactement, la mort violente de l'Etre surnaturel est devenu le Mystère central, réactualisé à l'occasion de chaque nouvelle initiation. La mort initiatique est donc une répétition de la mort de l'Etre surnaturel, fondateur du Mystère. "

Mircea Eliade, Rites, sociétés secrètes, Folio Galimard, p. 275

 

Jean, 18.37-38 :
Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.
Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité ?

 

Même si parfois Jean Perréal pouvait s’offrir quelque distance avec les dogmes de son Église, ses doutes (si doutes il y avait) ne portaient pas sur la croyance en Dieu que ses écrits convoquent très souvent, mais sur la croyance dans ceux qui défendaient la croyance en Dieu.

Jean Perréal croyait en Dieu, le dieu chrétien. Il a écrit cette foi en prose et en vers, l’a dessinée, peinte, fait tisser. C’est donc cette foi qu’il faut cerner et analyser « les structures anthropologiques de l'imaginaire » en exposant les mythes, les légendes, les dogmes que véhiculent les textes sacrés et toute œuvre qui s’inscrivent dans ce credo. Même si on est athée et que l’on doute de l’existence réelle d’un personnage nommé Jésus.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arma_Christi


http://fr.wikipedia.org/wiki/Croix_de_la_Passion

 

" ... je suis convaincu que pratiquement tous les types d'organisation sociale, de croyances ou de coutumes existant actuellement plongent leurs racines dans la situation infantile et doivent être envisagées avant tout sous l'angle des expériences personnelles, des désirs et des angoisses des individus dont ils constituent la cadre de vie. " (p. 92)
Géza Róheim, La Panique des dieux, Payot, 2000, écrit en 1972, traduit de l'anglais par Sylvie Laroche et Massimo Giacometti
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Eglise romane Notre Dame - Gargilesse (Indre)
fresques datées du XIIIe au XVIe siècle

 

Le Psaume 22 de l'Ancien Testament annonce la mort de Jésus :

1 :

Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné, Et t'éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes ?


9-21 :

Oui, tu m'as fait sortir du sein maternel, Tu m'as mis en sûreté sur les mamelles de ma mère ;
Dès le sein maternel j'ai été sous ta garde, Dès le ventre de ma mère tu as été mon Dieu.
Ne t'éloigne pas de moi quand la détresse est proche, Quand personne ne vient à mon secours !
De nombreux taureaux sont autour de moi, Des taureaux de Basan m'environnent.
Ils ouvrent contre moi leur gueule, Semblables au lion qui déchire et rugit.
Je suis comme de l'eau qui s'écoule, Et tous mes os se séparent ; Mon cœur est comme de la cire, Il se fond dans mes entrailles.
Ma force se dessèche comme l'argile, Et ma langue s'attache à mon palais ; Tu me réduis à la poussière de la mort.
Car des chiens m'environnent, Une bande de scélérats rôdent autour de moi, Ils ont percé mes mains et mes pieds.
Je pourrais compter tous mes os. Eux, ils observent, ils me regardent ;
Ils se partagent mes vêtements, Ils tirent au sort ma tunique.
Et toi, Eternel, ne t'éloigne pas ! Toi qui es ma force, viens en hâte à mon secours !
Protège mon âme contre le glaive, Ma vie contre le pouvoir des chiens !
Sauve-moi de la gueule du lion, Délivre-moi des cornes du buffle !

 

Dans son livre Sous le Christ, Jésus (Flammarion, 1987), Ennio Floris a montré, par de nombreux exemples, que de sa naissance à la Passion, le récit de la vie de Jésus est tissé " littéralement " de citations de l'Ancien Testament qui prouvent que sa biographie "accomplit " les Ecritures et se place toujours dans une perspective messianique :

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" Il naîtra à Bethléem, dans la maison de David (Michée 5,1 - Matthieu 1,6), d'une mère vierge (Esdras 7,14 - Matthieu 1,23). Il se manifestera en Galilée (Esdras 8,23 - Matthieu 4,14). II annoncera la bonne nouvelle aux pauvres et guérira les malades, il libèrera les opprimés et rendra la vue aux aveugles, il annoncera le pardon de Dieu (Esdras 61,1-2 - Luc 4,18). Il enseignera par paraboles (Psaume 78,2 - Matthieu 13,35). Il montera à Jérusalem comme l'héritier de la royauté davidique (Zacharie 9, 9 - Matthieu 20,4). Haï (Psaume 35,9 et 69,5 - Jean 15,25), trahi (Psaume 61,10 - Jean 19,18), il sera mis à mort comme un malfaiteur (Esdras 53,22 - Marc 28). On partagera ses vêtements et on tirera au sort sa tunique (Psaume 22,19 - Matthieu 27,36). Il sera transpercé (Zacharie 12, 0 - Jean 18,19). Dans la sépulture, son corps ne subira pas la corruption (Psaume 16,8 - Actes 2,27). Dieu le ressuscitera (Deutéronome 18,15 - Actes 3,22). Ce profil est, pourrait-on dire, le portrait-robot du Christ que les évangélistes ont esquissé en se fondant sur des signes de reconnaissance contenus dans les Ecritures. "

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La "trahison" de Judas :
Psaume 41, 10 : Celui-là même avec qui j'étais en paix, Qui avait ma confiance et qui mangeait mon pain, Lève le talon contre moi.

Les 30 deniers :
Zacharie 11, 12-13 : Je leur dis : Si vous le trouvez bon, donnez-moi mon salaire ; sinon, ne le donnez pas. Et ils pesèrent pour mon salaire trente sicles d'argent. L'éternel me dit : Jette-le au potier, ce prix magnifique auquel ils m'ont estimé ! Et je pris les trente sicles d'argent, et je les jetai dans la maison de l'éternel, pour le potier.


Jésus se tait devant ses juges :
Esaïe 53, 6-8 : Et l'éternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous. Il a été maltraité et opprimé, Et il n'a point ouvert la bouche, Semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, A une brebis muette devant ceux qui la tondent ; Il n'a point ouvert la bouche. Il a été enlevé par l'angoisse et le châtiment.


Le partage des vêtements :
Psaume 22, 19 : Ils se partagent mes vêtements, Ils tirent au sort ma tunique.


La flagellation, les scènes d'outrages :
Esaïe 50, 6 : J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, Et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe ; Je n'ai pas dérobé mon visage Aux ignominies et aux crachats.

La crucifixion :
Psaume 22, 17 : Car des chiens m'environnent, Une bande de scélérats rôdent autour de moi, Ils ont percé mes mains et mes pieds.


Les deux larrons :
Esaïe 53, 12 : Parce qu'il s'est livré lui-même à la mort, Et qu'il a été mis au nombre des malfaiteurs.

Le bon larron :
Genèse 10, 14 : Mais souviens-toi de moi, quand tu seras heureux, et montre, je te prie, de la bonté à mon égard.

Jésus sur la croix :
Psaume 22, 8 : Tous ceux qui me voient se moquent de moi, Ils ouvrent la bouche, secouent la tête.

Le vinaigre :
Proverbes 31, 6 : Donnez des liqueurs fortes à celui qui périt, Et du vin à celui qui a l'amertume dans l'âme.

Psaume 69, 22 : Ils mettent du fiel dans ma nourriture, Et, pour apaiser ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre.

La prière à Dieu :
Psaume 22, 9 : Recommande-toi à l'éternel ! L'éternel le sauvera, Il le délivrera, puisqu'il l'aime !

Jésus avant de mourir :
Psaume 22, 2 : Mon Dieu ! Mon Dieu ! Pourquoi m'as-tu abandonné, Et t'éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes ?

Esaïe 9, 14-15 : Sion disait : L'éternel m'abandonne, Le Seigneur m'oublie ! - Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite ? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles ?

Le cri ultime :
Joël 3, 16 : De Sion l'éternel rugit, De Jérusalem il fait entendre sa voix ; Les cieux et la terre sont ébranlés. Mais l'éternel est un refuge pour son peuple, Un abri pour les enfants d'Israël.

Psaume 31, 6 : Je remets mon esprit entre tes mains ; Tu me délivreras, éternel, Dieu de vérité !

Le coup de lance :
Zacharie 12, 10 : Et ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé. Ils pleureront sur lui comme on pleure sur un fils unique, Ils pleureront amèrement sur lui comme on pleure sur un premier-né.

Le ciel s'obscurcit :
Amos 8, 9 : En ce jour-là, dit le Seigneur, l'éternel, Je ferai coucher le soleil à midi, Et j'obscurcirai la terre en plein jour.

La mise au tombeau :
Esaïe 53, 9 : On a mis … son tombeau avec le riche.

 

La Passion est placée sous le signe de la victoire de la vie sur la mort. " Un message de femmes : seules, elles sont capables et dignes de voir la victoire sur la mort et de la rendre visible " (Eugen Drewermann, L'évangile des femmes, Seuil, 1996, p.7). Le mystère de la résurrection est transmis dans la Bible par des images et des symboles :

" le miracle du soleil " qui, mort le soir dans un ciel rouge sang, revit chaque matin, à l'aube, "permettant ainsi à l'humanité de croire que, pour elle aussi, la nuit de la mort fera place à la clarté de la vie." (p.8)

" le mystère de la lune " : chaque mois, la lune revient après une disparition de trois jours. Comme accordée aux rythmes de la vie des femmes. On pensait que la résurrection au troisième jour après la crucifixion "conférait sur terre la capacité de concevoir une nouvelle vie. " De nos jours, Pâques est fêté le troisième dimanche après la première lune de printemps.

" le mystère du printemps " qui permet la renaissance de la nature après l'hiver, "mystère dont les femmes sont par nature plus proches que les hommes. " (p.9)

" le mystère du feu " : le cierge pascal est allumé la nuit de Pâques 'redécouvre' le miracle du feu obtenu par deux morceaux de bois ou deux silex.

" le mystère de l'eau " d'où toute vie a jailli, symbole de la naissance et de la génération.

 

Hans Memling - Scènes de la Passion du Christ - 1470 - Galleria Sabauda - Turin

Dans l'ordre de leur apparition,il nous faut retrouver dans La Chasse à la licorne :

1- la bourse de Judas

2- les trente pièces d'argent remises à Judas en prix de la trahison (Matthieu 26.14 Alors l'un des douze, appelé Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs, 26.15 et dit : Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ? Et ils lui payèrent trente pièces d'argent.)

3- la lanterne des gardes, les torches (Jean 18.3 : Judas donc, ayant pris la cohorte, et des huissiers qu'envoyèrent les principaux sacrificateurs et les pharisiens, vint là avec des lanternes, des flambeaux et des armes.)

4- le couteau ou le glaive de Pierre

5- l'oreille coupée (Jean 18.10 : Simon Pierre, qui avait une épée, la tira, frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui coupa l'oreille droite. Ce serviteur s'appelait Malchus. 18.11 : Jésus dit à Pierre : Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire ? )

6- le garçon nu (Marc 14.46 Alors ces gens mirent la main sur Jésus, et le saisirent [..]14.50 Alors tous l'abandonnèrent, et prirent la fuite. 14.51 Un jeune homme le suivait, n'ayant sur le corps qu'un drap. On se saisit de lui ; 14.52 mais il lâcha son vêtement, et se sauva tout nu.)

7- le coq qui rappelle à Pierre l'heure du reniement Pierre (Matthieu 26.33 Pierre, prenant la parole, lui dit : Quand tu serais pour tous une occasion de chute, tu ne le seras jamais pour moi. 26.34 Jésus lui dit : Je te le dis en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. 26.35 Pierre lui répondit : Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai pas. Et tous les disciples dirent la même chose.)

8- la corde avec laquelle Judas s'est pendu (Matthieu 27.3 Alors Judas, qui l'avait livré, voyant qu'il était condamné, se repentit, et rapporta les trente pièces d'argent aux principaux sacrificateurs et aux anciens, 27.4 en disant : J'ai péché, en livrant le sang innocent. Ils répondirent : Que nous importe ? Cela te regarde. 27.5 Judas jeta les pièces d'argent dans le temple, se retira, et alla se pendre. 27.6 Les principaux sacrificateurs les ramassèrent, et dirent : Il n'est pas permis de les mettre dans le trésor sacré, puisque c'est le prix du sang. 27.7 Et, après en avoir délibéré, ils achetèrent avec cet argent le champ du potier, pour la sépulture des étrangers. 27.8 C'est pourquoi ce champ a été appelé champ du sang, jusqu'à ce jour.)

9- la tunique sans couture et le vêtement rouge (Matthieu 27.27 Les soldats du gouverneur conduisirent Jésus dans le prétoire, et ils assemblèrent autour de lui toute la cohorte. 27.28 Ils lui ôtèrent ses vêtements, et le couvrirent d'un manteau écarlate.

10- la couronne d'épines

11- les palmes - le roseau (le sceptre) mises entre les mains de Jésus

12- les injures (Matthieu 27.29 Ils tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite ; puis, s'agenouillant devant lui, ils le raillaient, en disant : Salut, roi des Juifs ! 27.30 Et ils crachaient contre lui, prenaient le roseau, et frappaient sur sa tête. 27.31 Après s'être ainsi moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l'emmenèrent pour le crucifier.) (Luc 22.63 Les hommes qui tenaient Jésus se moquaient de lui, et le frappaient. 22.64 Ils lui voilèrent le visage, et ils l'interrogeaient, en disant : Devine qui t'a frappé. 22.65 Et ils proféraient contre lui beaucoup d'autres injures.)

13- les gestes impudiques (Marc 14.65 Et quelques-uns se mirent à cracher sur lui, à lui voiler le visage et à le frapper à coups de poing, en lui disant : Devine ! Et les serviteurs le reçurent en lui donnant des soufflets.)

14- Ponce Pilate, Préfet de Judé, "s'en lave les mains" (Matthieu 27.23 Le gouverneur dit : Mais quel mal a-t-il fait ? Et ils crièrent encore plus fort : Qu'il soit crucifié ! 27.24 Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit : Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. 27.25 Et tout le peuple répondit : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! 27.26 Alors Pilate leur relâcha Barabbas ; et, après avoir fait battre de verges Jésus, il le livra pour être crucifié.)

15- le pilier de la flagellation

16- les fouets de la flagellation (Jean 19.1 : Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges.)

17- la main de l'homme qui gifla Jésus (Jean 18.22 : A ces mots, un des huissiers, qui se trouvait là, donna un soufflet à Jésus, en disant : Est-ce ainsi que tu réponds au souverain sacrificateur ? 18.23 : Jésus lui dit : Si j'ai mal parlé, fais voir ce que j'ai dit de mal ; et si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? )

18- les cheveux de Jésus arrachés ?

19- les chutes de Jésus

20- le voile de Véronique

21- le Mont du Calvaire, le Golgotha, le crâne d'Adam

22- les trois croix : les deux larrons et Jésus

23- l'écriteau de la condamnation avec l'inscription : "Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs" (Jean 19.17 : Jésus, portant sa croix, arriva au lieu du crâne, qui se nomme en hébreu Golgotha. 19.18 : C'est là qu'il fut crucifié, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. 19.19 : Pilate fit une inscription, qu'il plaça sur la croix, et qui était ainsi conçue : Jésus de Nazareth, roi des Juifs. 19.20 : Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où Jésus fut crucifié était près de la ville : elle était en hébreu, en grec et en latin.)

24- la hache, les clous, les tenailles, le marteau (Jean 19, 17 Ils prirent donc Jésus qui, portant lui même sa croix, sortit de la ville pour aller au lieu dit du Crâne, en hébreu Golgotha, où ils le crucifièrent.)

25- la coupe de boisson amère (fiel ou myrrhe) (Matthieu 27.34 ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel ; mais, quand il l'eut goûté, il ne voulut pas boire.) (Marc 15.23 Ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de myrrhe, mais il ne le prit pas.)

26- l'éponge imbibée de vinaigre, fixée à une branche d'hysope (Jean 19.28 : Après cela, Jésus, qui savait que tout était déjà consommé, dit, afin que l'Écriture fût accomplie : J'ai soif. 19.29 : Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge, et, l'ayant fixée à une branche d'hysope, ils l'approchèrent de sa bouche. 19.30 : Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l'esprit.)

27- la lune et le soleil de l'éclipse au moment de la mort (Luc 23.44 Il était déjà environ la sixième heure, et il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure. 23.45 Le soleil s'obscurcit, et le voile du temple se déchira par le milieu.)

28- la main gauche levée de l'homme qui reconnaît la divinité de Jésus (Marc 15.39 Le centenier, qui était en face de Jésus, voyant qu'il avait expiré de la sorte, dit : Assurément, cet homme était Fils de Dieu.) (Luc 23.47 Le centenier, voyant ce qui était arrivé, glorifia Dieu, et dit : Certainement, cet homme était juste. 23.48 Et tous ceux qui assistaient en foule à ce spectacle, après avoir vu ce qui était arrivé, s'en retournèrent, se frappant la poitrine)

29- le groupe des femmes à l'écart (Jean 19.25 : Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.)

30- Jean de la Croix (Jean 19.26 : Jésus, voyant sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà ton fils. 19.27 : Puis il dit au disciple : Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.)

31- les dés pour tirer au sort les vêtements (Jean 19.23 : Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et ils en firent quatre parts, une part pour chaque soldat. Ils prirent aussi sa tunique, qui était sans couture, d'un seul tissu depuis le haut jusqu'en bas. Et ils dirent entre eux : 19.24 : Ne la déchirons pas, mais tirons au sort à qui elle sera. Cela arriva afin que s'accomplît cette parole de l'Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements, Et ils ont tiré au sort ma tunique. Voilà ce que firent les soldats.)

32- le cœur percé de la lance du centurion (Jean 19.31 : Dans la crainte que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, – car c'était la préparation, et ce jour de sabbat était un grand jour, – les Juifs demandèrent à Pilate qu'on rompît les jambes aux crucifiés, et qu'on les enlevât. 19.32 : Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l'autre qui avait été crucifié avec lui. 19.33 : S'étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; 19.34 : mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau.)

33- l'échelle de la descente de croix (Marc 15.46 Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l'enveloppa du linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc. Puis il roula une pierre à l'entrée du sépulcre.)

34- la résurrection (Matthieu 28.5 Mais l'ange prit la parole, et dit aux femmes : Pour vous, ne craignez pas ; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. 28.6 Il n'est point ici ; il est ressuscité, comme il l'avait dit. Venez, voyez le lieu où il était couché,
28.7 et allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts. Et voici, il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez. Voici, je vous l'ai dit.)

Passion

J'adore un Christ de bois qui pâtit sur la route
Une chèvre attachée à la croix noire broute
A la ronde les bourgs souffrent la passion
Du Christ dont ma latrie aime la fiction
La chèvre a regardé les hameaux qui défaillent
A l'heure où fatigués les hommes qui travaillent
Au verger pâle au bois plaintif ou dans le champ
En rentrant tourneront leurs faces au couchant
Embaumé par les foins d'occidental cinname
Au couchant où sanglait et rond comme mon âme
Le grand soleil païen fait mourir en mourant
Avec les bourgs lointains le Christ indifférent.

Guillaume Apollinaire
(Rhénanes, Le Guetteur mélancolique)

 

(il y a 3 coqs : le faisan et son reflet, et une faisane)

Les deux souffleurs de trompe à gauche et à droite de la tapisserie se retrouvent dans le tableau ci-dessous :

Maître de la Madone Strauss - 1380
Galleria dell' Accademia - Florence

Voir dans le même musée florentin :
Lorenzo Monaco - 1404
L'Homme de douleur avec les instruments de la Passion

 

Jérôme Bosch - Le Couronnement d'épines - 1490/1500
National Gallery - Londres

La couronne d'épines n'est pas un instrument de torture mais une parodie de la couronne que portaient les souverains orientaux et dont les pointes signifiaient le rayonnement universel du souverain.

De même, le roseau est un avatar du sceptre.

Matthieu : 27, 29 : Ils tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite ; puis, s'agenouillant devant lui, ils le raillaient, en disant : Salut, roi des Juifs !

le geste indécent de la main

la corde

la main qui gifle

la bouche qui crache

 

Fra Angelico - Le Christ aux outrages - fresque (détail)
couvent San Marco - cellule 7 - Florence
Sur le fond neutre de la fresque apparaissent comme " découpés ",
le visage de l'homme qui crache et les mains qui frappent, giflent ou outragent.

 

La flagellation


Le fouetétait fait avec des cordes, garnies d'osselets ou de boules de métal, ou avec des lanières de cuir. Le coupable était soit attaché par les mains à une colonne, soit ployé en deux, soit étendu au sol ou sur un banc.

Selon la législation juive, il recevait au plus 39 coups, car la Loi interdisait de dépasser 40 (le Code d'Hammurabi fixait le nombre à 60 et le Coran le fixera à 80 ou 100) ; 13 coups étaient administrés sur la poitrine, 26 sur le dos.

Deutéronome : 25, 2-3 : Si le coupable mérite d'être battu, le juge le fera étendre par terre et frapper en sa présence d'un nombre de coups proportionné à la gravité de sa faute.
Il ne lui fera pas donner plus de quarante coups, de peur que, si l'on continuait à le frapper en allant beaucoup au delà, ton frère ne fût avili à tes yeux.

Deuxième épître de Paul aux Corinthiens : 11, 24-25 : cinq fois j'ai reçu des Juifs quarante coups moins un, trois fois j'ai été battu de verges…

 

Le châtiment par le fouet était diversement pratiqué. La loi juive connaissait la flagellation, pour certaines fautes, appliquée dans la synagogue. Jésus annonce à ses disciples qu'ils seront ainsi traités.

Matthieu : 20, 17-19 : Pendant que Jésus montait à Jérusalem, il prit à part les douze disciples, et il leur dit en chemin :
Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort,
et ils le livreront aux païens, pour qu'ils se moquent de lui, le battent de verges, et le crucifient ; et le troisième jour il ressuscitera.

 

Le supplice romain s'appelait la " verberatio ". Il était appliqué aux esclaves et aux non-citoyens après la sentence capitale. C'est celui qu'a subi Jésus.

Matthieu : 10, 17 : Mettez-vous en garde contre les hommes ; car ils vous livreront aux tribunaux, et ils vous battront de verges dans leurs synagogues.

 

La torture avait lieu lors des interrogatoires qui voulaient obtenir des aveux. Les policiers administraient des corrections avec leurs verges ou leurs bâtons.

Luc : 23, 16 : Je le relâcherai donc, après l'avoir fait battre de verges.

L'éponge imprégnée de vinaigre n'est pas dans l'ordre chronologique des instruments de La Passion !

Ponce Pilate se lave les mains (le collier du chien, de par sa forme, tient lieu de bassin).

A son côté, Caïphe laisse pendre son bras droit en position de " passivité ".

Albrecht Altdorfer - Pilate se lave les mains
vers 1510-1512
Panneau du Retable de la Passion
Augustiner Chorherrenstift - Saint-Florian

 


 

Selon l'Evangile considéré, le rôle de Ponce Pilate, le préfet romain, n'est pas le même :

— dans Marc : évangile réputé le plus ancien, la responsabilité est plus ou moins partagée par Pilate et les chefs juifs.

— dans Matthieu : Pilate se lave les mains de toute l'affaire. Sa femme lui conseille de se tenir éloigné de ce " Juste ".

— dans Luc : Pilate prend conscience du problème qui se pose et finit par déclarer Jésus innocent.

-— dans Jean, évangile le plus tardif : Pilate non seulement déclare par trois fois que Jésus est innocent, mais il cherche à le libérer.

D'après Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, Corpus Christi : enquête sur l'écriture des Évangiles, Mille et Une Nuits/Arte éditions, 1997-1998

 

Dans la partie manquante, imaginons une seconde licorne tombée, couchée sur le flanc : Jésus tombe dans sa montée au Calvaire

 

détail d'une gravure extraite d'un Livre d'Heures imprimé par Thielman Kerver - Paris - 1504
MET - New York

A gauche, ce personnage portant la Croix est à la fois Simon de Cyrène et Saint Louis apportant la Croix, l'épine et les trois clous.

Son épée est bénie par le sang de la licorne juste au-dessus à la verticale.

 

Le centurion Longin : visage féroce, yeux fermés ! Aveuglé par le sang et l'eau du Christ percé ?

" Souffrant d'un mal d'yeux, il toucha par hasard ses yeux avec une goutte du sang du Christ qui coulait le long de sa lance et recouvra aussitôt la santé. "

 

Ce coup de lance au côté est-il pour rappeler l'endroit où le Serpent du "Spiritus Mundi" ferme avec son lien le "Soleil", c'est-à-dire "le principe Moi" selon Johann Georg Gichtel (1628-1710) ?

L'eau blanche et le sang rouge signifient-ils les deux phases successives de l'Œuvre alchimique ?

Pourquoi 2 chapeaux pour cet homme ? Le second dans le dos est-il l'auréole attribuée au saint qu'il est devenu après sa conversion et son martyr ?

http://fr.wikipedia.org/wiki/Longin_(saint)

Le marteau que nous avons tant recherché, Howard et moi, est peut-être dissimulé dans la tapisserie 6, dans le dessin très sophistiqué des deux quillons de la garde de l'épée que porte le chasseur ci-dessus (aux deux chapeaux et au pantalon rayé rouge et blanc qui enfonce sa lance dans le flanc de la licorne) ou dans le pommeau et la garde de l'épe de Louis IX en bas à gauche.

 

Les reliques du Saint Sang

— Mantoue : trois gouttes du sang de la Passion, " inventées " en 1053 et rapportées de Jérusalem à Mantoue par Longin lui-même.
— la Sainte-Chapelle à Paris détenait des reliques de la Passion du Christ par Louis IX (Saint Louis) : le Saint Sang + la Couronne d'épines (achetée en 1239 aux Vénitiens) + la Vraie Croix + les Clous + la Lance + l'Éponge + le Suaire + le Manteau de pourpre + la Croix de la Victoire (achetés en 1241 à l'Empereur Baudouin II). Beaucoup disparurent lors des évènements révolutionnaires.
la Sainte-Chapelle à Paris détenait des reliques de la Passion du Christ par Louis IX (Saint Louis) : le Saint Sang + la Couronne d'épines (achetée en 1239 aux Vénitiens) + la Vraie Croix + les Clous + la Lance + l'Éponge + le Suaire + le Manteau de pourpre + la Croix de la Victoire (achetés en 1241 à l'Empereur Baudouin II). Beaucoup disparurent lors des évènements révolutionnaires.
— Saint-Maximin, en Provence
— Fécamp
— basilique Saint-Jacques à Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) :
— Charroux
— Bruges
— cathédrale de Norwich en Angleterre - comté de Gloucester
— abbaye de Westminster
— église Saint-Jacques de Rothenburg ob der Tauber

http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Sang_(relique)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Vraie_Croix

 

Jean 19.31-35
" Dans la crainte que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, - car c'était la préparation, et ce jour de sabbat était un grand jour, - les Juifs demandèrent à Pilate qu'on rompît les jambes aux crucifiés, et qu'on les enlevât.
Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l'autre qui avait été crucifié avec lui.
S'étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ;
mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau. "

Après avoir percé de sa lance le côté de Jésus mort, après avoir vu le sang et l'eau jaillir, il s'était converti à la foi chrétienne (il est considéré comme le tout premier converti de la " gentilité ").
Il aurait rapporté dans une cassette de plomb quelques gouttes de sang coagulé au pied de la croix, ainsi que l'éponge de vinaigre.

Une légende apocryphe donne au sang christique le pouvoir de visualité : ainsi, au moment où il transperçait le corps, Longin aurait été par miracle frappé de cécité, mais une goutte du sang tombant alors sur ses yeux lui aurait rendu, par miracle derechef, la vue… et donné la foi.

 

Clous enfoncés, clous retirés...

3 clous (3 points sur la ceinture).
Où est le marteau ?

2 paires de tenailles (sur le bonnet) ?

Si le dé présente la face à 3 points : la Trinité est présente lors de la Crucifixion.

 

Le chiffre 4 est alors invisible, de l'autre côté du dé. Quatre est le nombre du carré, des quatre éléments (terre, feu, eau et air), des quatre points cardinaux, des quatre saisons, des quatre phases de la lune. Il serait le symbole du destin et du libre arbitre. Il est le chiffre de la Perfection et de l'accomplissement. Il représente l'accomplissement de la Volonté. Chez Les Kabbalistes, il est rattaché au nom de Dieu, au Tétragramme par ses Quatre lettres hébraïques "Yod Hé Waw Hé ". C'est aussi les Quatre Attributs Essentiels de Dieu qui sont représentés au travers ce nombre : l'Omnipotence (Infini), l'Immortalité (Eternel), l'Amour et la Sagesse.

La symbolique du 4 a est très présente dans la Bible : le nom de Dieu (tétragramme) a quatre lettres (YHVH - vocalisé en Yahveh ou Jéhovah) ; les douze tribus d'Israël sont réparties en quatre groupes, symbolisés par l'homme, le lion, le taureau et l'aigle, qui sont devenus les emblèmes des quatre évangélistes ; les cavaliers de l'Apocalypse, qui apportent les quatre fléaux (la guerre, la famine, la peste, les bêtes fauves) sont aussi au nombre de quatre.

Le diagramme ponctuel de la Tétraktys fut pour les membres de la Confrérie Pythagoricienne un symbole ésotérique aussi important que le pentagramme qui était leur signe de passe secret. Image de la stabilité, de la solidité, du pouvoir, de la justice et de la toute-puissance, il constitue la base d'un grands nombre de monuments dans le monde entier. C'était en évoquant la Tétraktys que les membres de la secte prêtaient le serment solennel de ne jamais divulguer leurs secrets, entre autres les secrets mathématiques. Jamblique nous a conservé la formule du serment : " Non, je le jure par celui qui a transmis à notre âme la tétraktys, en qui se trouvent la source et la racine de l'éternelle nature."
Voici le texte de la prière pythagoricienne adressée à la Décade : "Bénis-nous, nombre divin, toi qui as engendré les dieux et les hommes ! O sainte, sainte Tétraktys, toi qui contiens la racine et la source du flux éternel de la création ! Car le nombre divin débute par l'unité pure et profonde et atteint ensuite le quatre sacré ; ensuite il engendre la mère de tout, qui relie tout, le premier-né, celui qui ne dévie jamais, qui ne se lasse jamais, le Dix Sacré qui détient la clef de toutes chose."

Les significations symboliques du chiffre 4 retrouvent celles :
- du carré : symbole de la Terre par opposition au Ciel, il est aussi symbole du Cosmos, de l'Univers créé (la terre et le ciel), par opposition à l'incréé et au Créateur.
- et de la croix : "l'homme carré", les bras étendus, désigne les quatre points cardinaux. Au Moyen Âge, on rapproche ce chiffre des 4 Evangiles, des 4 fleuves du Paradis, et du Christ, l'homme "carré" parfait. La croix symbolise le Crucifié, le Sauveur, le Verbe. Elle devrait apparaître entre les bras du Christ lors du Jugement dernier.

Suivez la jambe gauche du personnage en haut...

Son bout de pied est, inconfortablement, sous la pliure du genou de second chasseur : les os de ses jambes ont été rompus comme le signale la Bible pour les deux larrons.

 

Anonyme anglais - début 14è s. - anatomie de l'utérus
ms Ashmole 399, fol.13v - Bodleian Library - Oxford


Une encre sur parchemin signalée p. 46 par Georges Didi-Huberman dans son livre L'image ouverte : Motifs de l'incarnation dans les arts visuels, Gallimard, 2007. Un schéma de l'utérus où se "lisent" ostensiblement la crucifixion et les instruments de la Passion !

 

La violence

 

« La violence n’est pas absente des Évangiles, mais elle est plutôt le fait des persécuteurs de Jésus et se manifeste dans la Passion […] à la fois le climat socio-politique de la Palestine au 1er siècle de notre ère et la propre parole de Jésus ont provoqué cette violence qui ne cessa d’entourer la mission du Christ. »
Matthieu 11 :12 : « Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu'à présent, le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s'en s'emparent. »L’Amour universel prôné par Jésus se lit dans l’Épître aux Colossiens 3 :12 ; Matthieu 5 :39-47 et 22 :39 ; Luc 6 : 27-35.

L’expulsion des marchands du Temple est le seul exemple où Jésus aurait montré quelque violence physique envers quelqu’un (Matthieu 21 :12-13sq ; Marc 11 :15-17 ; Luc 19 :45-46).

Matthieu (10:34-36) lui prête les propos suivants : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu mettre la division entre l'homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l'homme aura pour ennemis les gens de sa maison. »

Frédéric Chapot. Jésus et la violence. L’expulsion des marchands du Temple dans l’exégèse patristique, in Régis Courtray, Régis Burnet, Jérôme Lagouanère, Maguelone Renard (dir.), Du Jésus des Écritures au Christ des théologiens. Les Pères de l’Église, lecteurs de la vie de Jésus, Turnhout, Brepols, Cahiers de Biblia Patristica 24, 2023, p. 77-107.

 

La symbolique du sang et de l'eau

 

" Dans la crainte que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, - car c'était la préparation, et ce jour de sabbat était un grand jour, - les Juifs demandèrent à Pilate qu'on rompît les jambes aux crucifiés, et qu'on les enlevât. Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l'autre qui avait été crucifié avec lui. S'étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau. "Jean, 19.31-34

 

Un chasseur recueille dans son cor le sang et l'eau de la licorne blessée au côté.
Est-ce pour les boire comme le prêtre catholique mélange l'eau et le vin lors de la célébration de la messe ?

" Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ". Matthieu, 26.26-30

Signalons que le Graal n'est pas mentionné dans le Nouveau Testament et qu'il n'apparaît dans les écrits qu'au 12ème siècle. Seules les légendes évoquent que Joseph d'Arimathée aurait recueilli le sang du Christ dans le Saint Calice.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Graal


" Le thème du Graal fait sa première apparition aux alentours de 1180 avec le livre de Chrétien de Troyes et Robert de Boron. Le Graal combine des traditions occidentales de type druidique et celtique (Irlande, Avalon) aux mystères du christianisme. Elles viennent se fondre dans la figure de Parsifal, ou Perceval, et dans le Graal, calice mythique à fortes connotations alchimiques (soleil ou hostie, et lune ou calice). Le symbole du Graal évoque les courants ésotériques souterrains liés aux Evangiles apocryphes, notamment celui de Nicodème qui exaltait le personnage de Joseph d'Arimathie. Et ce n'est pas un hasard si la même époque voit introduire le rite d'élévation de l'hostie à la messe romaine. " (p.94)
Antoine Faivre, Accès de l'ésotérisme occidental, 2 volumes, Gallimard, 1986 et 1996

 

L'Eglise médiévale n'a jamais reconnu officiellement les récits du Graal et pourtant le Graal est devenu pour les laïcs une puissante icône religieuse, grâce à Robert de Boron qui fait du Graal une relique chrétienne : le Saint Calice. Pour écrire entre 1190 et 1199 son roman de 3500 octosyllabes, L'Estoire dou Graal, Robert de Boron s'est inspiré de la vie légendaire de Joseph d'Arimathie selon l'Évangile de Nicodème et du Protévangile de Jacques.

" Et queu sera la renumée
Do veissel qui tant vous agrée ?
Dites-nous, comment l'apele-on
Quant on le numme par son non ? "
Petrus respont : " N'ou quier celer,
Qui à droit le vourra nommer,
Par droit Graal l'apelera ;
Car nus le Graal ne verra,
Ce croi-je, qu'il ne li agrée :
A touz ceus pleist de la contrée,
A touz agrée et abelist ;
En li vooir hunt cil delist
Qui avec lui pueent durer
Et de sa compeignie user,
Autant unt d'eise cum poisson
Quant en sa mein le tient uns hon
Et de sa mein puet eschaper
Et en grant iaue aler noer. "
Quant cil l'oient, se l'greent bien


Autre non ne greent-il rien
Fors tant que Gaal (sic) eit à non :
Par droit agréer s'i doit-on.
Tout ainsi cil qui s'en alerent
Et cil ausi qui demeurerent
Le veissel unt Graal nummé
Pour la reison que j'ei conté.

Li pueples qui là demoura,
A l'eure de tierce* assena
Car quant à ce Graal iroient
Sen service l'apeleroient ;
Et, pour ce que la chose est voire,
L'apelon dou Graal l'Estoire,
Et le non dou Graal ara
Dès puis le tens de là en çà.

*(tierce : troisième heure canoniale de la journée. Equivalant à neuf heures du matin)

 

 

" Selon certains mythes, le sang mêlé à la terre donna vie aux êtres. Dans d'autres, le sang donne naissance aux plantes et même aux métaux. Pour certaines peuplades, le sang provenant de combats ou de sacrifices confère la fertilité, l'abondance, le bonheur ; de plus le sang est présage de pluie.
On voit ainsi que le sang mythique joue le même rôle que l'eau mythique.
De plus, le symbole du sang est lié au concept de chaleur, donc au feu et, par extension, au soleil. Chez les Aztèques, sur le plan cosmogonique, le sang humain est nécessaire à la régénération périodique du soleil...
En résumé, la mutation de l'eau au sang passe par le vin. Le vin est le sang de la vigne de Dionysos. Le vin se substitue au sang de Dionysos. Le vin est lié au feu. Dans le vin, le feu s'unit au principe humide, ce qui ramène au thème du mariage de l'eau et du feu" écrit Raoul BERTEAUX dans La Voie symbolique (pp.119-120).

 

 

Matteo Giovannetti
Détail de La Crucifixion - 2è moitié 14e s.

Laurent Girardin - v.1470
Détail du vitrail du cardinal de Bourbon
Cathédrale Notre-Dame de Moulins

 

Missel manuscrit
Bruges - 1476

Matthias Grünewald
Retable d'Issenheim - v. 1512/15
Musée d'Unterlinden - Colmar

 

La sixième tapisserie pourrait évoquer le cortège qui traverse la salle où se trouvent Perceval et le Roi Pêcheur dans le roman de Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal ou Le Roman de Perceval.

" L'intérieur était illuminé, au point qu'on ne saurait mieux faire, de tout l'éclat que donnent des flambeaux dans une demeure. Tandis qu'ils parlaient de choses et d'autres, un jeune noble sortit d'une chambre, porteur d'une lance blanche qu'il tenait empoignée par le milieu. Il passa entre le feu et le lit où ils étaient assis, et tous ceux qui étaient là voyaient la lance blanche et l'éclat blanc de son fer. Il sortait une goutte de sang du fer, à la pointe de la lance, et jusqu'à la main du jeune homme coulait cette goutte vermeille.
[…] Deux autres jeunes gens survinrent alors, tenant dans leurs mains des candélabres d'or pur, finement niellés. Les jeunes gens porteurs des candélabres étaient d'une grande beauté. Sur chaque candélabre brûlaient dix chandelles pour le moins.
D'un graal tenu à deux mains était porteuse une demoiselle, qui s'avançait avec les jeunes gens, belle, gracieuse, élégamment parée. Quand elle fut entrée dans la pièce, avec le graal qu'elle tenait, il se fit une si grande clarté que les chandelles en perdirent leur éclat comme les étoiles au lever du soleil ou de la lune.
Derrière elle en venait une autre, qui portait un tailloir en argent. Le graal qui allait devant était de l'or le plus pur. Des pierres précieuses de toutes sortes étaient serties dans le graal, parmi les plus riches et les plus rares qui soient en terre ou en mer. Les pierres du graal passaient toutes les autres, à l'évidence.
Tout comme était passée la lance, ils passèrent par-devant le lit, pour aller d'une chambre dans une autre… "
(traduction en français moderne de Charles Méla)

Déjà a été notée la conjonctio androgynique (la reine et le roi accolés) qui permet la présence d'une femme dans cette tenture.

Il faut insister sur le rôle ambivalent de la lance. Maléfique, elle est signe de mort : elle perce la flanc de la licorne christique en haut à gauche et fait couler l'eau et la sang dans la corne et elle représente la croix portée par saint Louis en bas à gauche.
Bénéfique, elle est instrument de rédemption et de connaissance en bas au centre quand elle est portée par le pèlerin tout au long de son dangereux (caractère qui explique l'épée portée au côté) parcours initiatique (à comparer avec le cortège du Perceval). A son retour en Occident, elle est cause de " miracles thérapeutiques ". L'Initié, à son tour, lui aussi, est apte désormais à initier, à " guérir " mieux que ne l'a fait Perceval auprès du Roi Pêcheur " méhaigné " blessé par une lance.

La présence conjointe au centre de la tapisserie à la verticale du pèlerin initié des colombes et des cygnes sont peut-être à lire comme la présence du Saint-Esprit (la chapelle bleue serait la Sainte-Chapelle parisienne) venant confirmer la Perfectio (la " Nature Parfaite ") de notre pèlerin (Perréalin) et du cygne de la mort (qu'une légende évoque et que Socrate aurait rappelée au moment de mourir, selon le Phédon de Platon).

Dominique Zahan (Sociétés d'initiation bambara, Mouton, 1960) relève chez les Fôn l'inversion de l'utilisation des mains droite/gauche chez l'initié : " la position du reclus (l'initié)... est inversée par rapport à celle du profane ". Regardons bien : le pèlerin tient sa lance de la main droite au début de son initiation sauf dans la sixième tapisserie où elle passe en main gauche.

Ainsi, ne peuvent en aucun cas être séparées dans nos lectures de La Chasse " la Passion christique " et " l'Initiation " que la lance et le graal incorporent en une même " quête ".

 

Dionysos puis Orphée : deux dieux de caractère androgyne ayant une intimité profonde avec les mondes animal et végétal. Des rites orgiaques dédiés à Dionysos libèrent la nature animale de l'initié à qui le vin et l'ivresse conséquente permettaient de participer activement aux "orgies" aux cours desquelles lui étaient révélés les Mystères. Trop orgiaques, ces rites durent laisser place à ceux du nouveau culte d'Orphée qui fut pour les premiers chrétiens le prototype du Christ : tous deux mi-humains, mi-divins, tous deux mis à mort, écartelés.

Les rites païens dionysiaques (hiérogamie entre Dionysos et Ariane) perdurèrent quelque temps dans la nouvelle religion chrétienne. Celui du vin a mieux résisté, que l'on peut lire dans l'élévation "catholique" du calice (Cf. C. G. Jung, Le Symbole de métamorphose dans la messe, 1940) au cours de laquelle le liquide se "spiritualise", en rappelant le Sang versé sur la Croix. Du culte d'Orphée, est demeurée la figure du "bon pasteur" qui a une conscience des événements naturels qu'il apaise de sa joie et de sa "lumière".


Rendre éloge, voilà ! Appelé pour l'éloge,
il a jailli comme un métal hors du silence
de la pierre. O son cœur, périssable pressoir
d'un vin impérissable pour l'humanité !

A lui, jamais la voix ne manque devant la poussière
quand l'exemple divin s'est emparé de lui.
Tout se fait vigne alors, et tout devient raisin
mûri dans la chaleur de son Midi sensible.

Des corps pourris au fond des royaux hypogées
sa louange n'a pas à craindre un démenti,
ni que vienne des dieux tomber sur elle une ombre.

Parmi les messagers, il est de ceux qui restent
et, par-delà le seuil que les morts ont franchi,
il tend la coupe avec ses fruits élogieux.

7ème Sonnet à Orphée - février 1922
Rainer Maria Rilke
traduction Armel Guerne

 

Représentation du Bon Pasteur -catacombes de Rome

Image du Bon Pasteur- V° siècle - Mausolé de Galla Placidia Ravenne

 

De René Girard, Les Origines de la culture (Desclée de Brouwer, 2004) : " Ainsi, quand certains disent que l'Eucharistie est enracinée dans le cannibalisme archaïque, il ne faut pas le nier, mais l'affirmer au contraire ! La véritable histoire de l'humanité est une histoire religieuse qui remonte au cannbalisme primitif. Le cannibalisme primitif est la religion, et l'Eucharistie récapitule cette histoire, de l'alpha à l'oméga. Tout cela est primordial, et une fois qu'on l'a compris, il faut nécessairement admettre que l'histoire de l'homme inclut ce début meurtrier : Caïn et Abel." (p.129)

Par l'absorption de chair et de sang, l'être humain est censé acquérir une force nouvelle et raffermir son énergie vitale. L'eucharistie chrétienne en porte encore les traces.

Jean, 19, 34 : " un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau. " Lors de la messe, deux burettes, l'une de vin, l'autre d'eau, deux liquides mélangés dans le calice comme la sang et l'eau christique dans la graal.
Lors de l'eucharistie, le pain et le vin, le corps et le sang. Beith-lehem : " la maison du pain ". Quel chemin (en réalité 10 km ) entre " le lieu du pain " (Béthléem, ville natale de Jésus) et " le lieu du vin " (Jérusalem et le Golgotha), lieux unis dans une même cérémonie.

 

Le Pressoir mystique

Miroir des souffrances du Christ
début du 15e s. siècle - enluminure - Alsace
Bibliothèque municipale - Colmar - ms. 306, f. 1.

Son sang alimente les sept sacrements figurés tout autour et se dirige vers les lèvres des chrétiens. Depuis le haut à gauche : l'ordination sacerdotale, le baptême, la confession, l'eucharistie, le mariage, la confirmation et l'extrême-onction.


Esaïe 63, 1-3
" — Qui est celui-ci qui vient d'Edom, De Botsra, en vêtements rouges, En habits éclatants, Et se redressant avec fierté dans la plénitude de sa force ?
— C'est moi qui ai promis le salut, Qui ai le pouvoir de délivrer.
— Pourquoi tes habits sont-ils rouges, Et tes vêtements comme les vêtements de celui qui foule dans la cuve ?
J'ai été seul à fouler au pressoir, Et nul homme d'entre les peuples n'était avec moi ; Je les ai foulés dans ma colère, Je les ai écrasés dans ma fureur ; Leur sang a jailli sur mes vêtements, Et j'ai souillé tous mes habits. "

Seul dans la cuve, le Christ foule les grappes dans le pressoir. Sous la poutre, c'est lui la grappe du pressoir de la Croix.


Esaïe 53, 4-5
" Cependant, ce sont nos souffrances qu'il a portées, C'est de nos douleurs qu'il s'est chargé ; Et nous l'avons considéré comme puni, Frappé de Dieu, et humilié.
Mais il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités ; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. "

La symbolique de la Plaie

 

Sigmund Grimm - Cinq Plaies de Jésus-Christ
1521 - Augsburg

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Aux cierges, au vitrail,
D'un autel en corail,
Une jeune madone
Tend, d'un air ébaubi,
Un beau cœur de rubis
Qui se meurt et rayonne !

Un gros cœur tout en sang,
Un bon cœur ruisselant,
Qui, du soir à l'aurore,
Et de l'aurore au soir,
Se meurt, de ne pouvoir
Saigner, ah ! saigner plus encore !

Jules Laforgue
complainte de la vigie aux minuits polaires (extrait)


Plaie du Christ - bréviaire de Bonne de Luxembourg, fol. 331r - The Cloisters

Anonyme allemand - v. 1470
Le Christ enfant dans son cœur vulnéré
gravure sur bois rehaussée de gouache
Albertina - Vienne

Plaie du Christ - feuille volante allemande
entre 1484 et 1492

Crucifixion - feuille volante allemande
seconde moitié du 15ème siècle

 

Etrange plaie qui ressemble à une mandorle, à un sexe féminin, à une bouche !

Au 14ème siècle, la plaie du Christ du côté commence à être peinte isolément. Dans le Bréviaire de Bonne de Luxembourg, elle prend, dans une mandorle, la forme d'une fente verticale rouge. Est-ce une allusion intentionnelle à un sexe féminin ? On peut en effet penser cette équivoque significative en cette fin de Moyen Âge.

Jean WIRTH écrit en conclusion de son livre L'Image médiévale - naissance et développement ; 6ème-15ème siècles (Meridiens Klincksieck, 1989) : " Les éléments constitutifs de la sexualité humaine sont mobilisés pour représenter le mystère, mais rendus volantairement méconnaissables par une série de permutations entre la vie et la mort, l'enfance et l'âge adulte, le haut et le bas du corps, la masculinité et la féminité, dans une esthétique qui sillicite l'imagination sensuelle. " (p.346)

Au 15ème siècle, la plaie christique devient une bouche, figurée horizontalement, comme pourvue de lèvres charnues, dans l'attente du baiser pieux des fidèles, commele recoomanadt alors certains traités de dévotion. Des images montrent cette 'plaie-bouche' dans un cœur porté par des anges tandis que deux autres recueille le sang dans un calice, rappelant une scène de La Chasse.

Anonyme allemand - 14è s.
Crucifixion avec saint Bernard et une moniale
Encre et gouache sur papier
Schnütgen Museum - Cologne

Maestro del Codice di San Giorgio - 14è s.
Pinacothèque vaticane - Rome

Sandro Botticelli - Crucifixion mystique - v.1497
Fogg Art Museum - Harvard University
Cambridge - Massachusetts

Du sang plein les mains... l'imitatio doloris.

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Vrai corps (extraits)


Témoin des lieux insensés de mon cœur
Tu es né d'une vierge absolue et tu es né
Parce que Dieu avait posé les mains sur sa poitrine,
Et tu es né
Homme de nerfs et de douleur et de semence
Pour marcher sur la magnifique dalle de chagrin
Et ton flanc mort fut percé pour la preuve
Et jaillit sur l'obscur et extérieur nuage
Du sang avec de l'eau.


Sur le flanc la lèvre s'ouvre en méditant
Lèvre de la plaie mâle, et c'est la lèvre aussi
De la fille commune
Dont les cheveux nous éblouissent de long amour ;
Elle baise les pieds
Verdâtres, décomposés comme la rose
Trop dévorée par la chaleur amoureuse du ciel d'en haut,
Et sur elle jaillit, sur l'extérieur nuage
Du sang avec de l'eau car tu étais né.

Pierre Jean Jouve, Noces

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Matthieu 26, 26-28 : " Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps.
Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous ;
car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. "

" histoire de mieux comprendre les rapports fondamentaux que l'image entretient avec l'incarnation et l'incorporation. " Georges Didi-Huberman, L'image ouverte : Motifs de l'incarnation dans les arts visuels, p. 54.

Selon Van Genep, les rites de sang sont des rites du passage et du seuil, des rites d'avènement, de naissance ou d'initiation.

Livre du Lévitique, Chapitre 1, 1-5
" L'Eternel appela Moïse ; de la tente d'assignation, il lui parla et dit : Parle aux enfants d'Israël, et dis-leur : Lorsque quelqu'un d'entre vous fera une offrande à l'Eternel, il offrira du bétail, du gros ou du menu bétail. Si son offrande est un holocauste de gros bétail, il offrira un mâle sans défaut ; il l'offrira à l'entrée de la tente d'assignation, devant l'Eternel, pour obtenir sa faveur. Il posera sa main sur la tête de l'holocauste, qui sera agréé de l'Eternel, pour lui servir d'expiation. Il égorgera le veau devant l'Eternel ; et les sacrificateurs, fils d'Aaron, offriront le sang, et le répandront tout autour sur l'autel qui est à l'entrée de la tente d'assignation. " (85 fois le mot " sang " dans le Lévitique : tout le sang appartient à Dieu !)

 

Sur les stigmates, lire Georges Didi-Huberman, L'image ouverte : Motifs de l'incarnation dans les arts visuels, chapitre Un sang d'images.

" La dimension du visuel, l'acte de voir au-delà supposent donc nécessairement une fin du temps : d'une part, la mort de celui qui regarde - petite mort ou grande mort - et, d'autre part, l'éternisation de son regard dans l'espace apocalyptique. "
Georges Didi-Huberman, L'image ouverte : Motifs de l'incarnation dans les arts visuels, p. 136


" Vois, ma Fille, ce lit est couvert d'une couverture de pourpre teinte dans le sang de l'Agneau immolé et consumé pour nous, c'est lit le lit de ton repos, qu'il ne faut quitter jamais. Tu vois qu'il n'y a pas de cellule sans lit, et de lit sans cellule.

Que ton âme se nourrisse de cette Bonté de Dieu, elle peut s'y engraisser, car avec le lit tu trouves la nourriture, la table et le serviteur. Le Père est la table, le Fils est la nourriture, le Saint-Esprit lui-même devient un lit de repos.

Sois persuadée que si tu veux te borner à la connaissance de toi-même, tu seras toujours dans la confusion, tu verras la table et le lit préparés, et tu n'en profiteras pas par la connaissance de la bonté divine, tu ne recevras pas la paix et le repos, tu en seras privée, et tu ne porteras aucun fruit.

Je te conjure donc par l'amour de Jésus crucifié de rester dans ce doux et glorieux lit de repos.

Je suis certaine que tu le feras si tu te noies dans le précieux sang. Aussi je t'ai dit que je désirais te voir baignée et noyée dans le sang du Fils de Dieu ".

Sainte Catherine de Sienne, à sœur Constance, religieuse au monastère de Saint-Abundio, près de Sienne (lettre 154)

 

" Qu'est-ce à dire ? Sommairement, que la " science " chrétienne des images en appelait à quelque chose comme un inconscient du visible : non pas l'invisible comme tel mais, bien plutôt, une région de la figure qui aurait la puissance obsédante des fantasmes, ou la fatalité des symptômes, ou la valeur de plaisir des mots d'esprit, ou encore la valeur hallucinaatoire des images du rêve... Bref, la capacité, la puissance de constituer chaque figure en dialectique du désir et en véritable trésor de surdéterminations psychiques et culturelles. " (p. 198)
Georges Didi-Huberman, L'image ouverte : Motifs de l'incarnation dans les arts visuels

 

Crucifixion extatique, iconographie de la Salpêtrière, 1877

http://www.shroud.com/zugibe.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Convulsionnaires


L'arrivée de la Vraie Croix
et de la Couronne d'épines
à Paris

La tapisserie 6 veut, je pense, évoquer l'arrivée en France de deux reliques christiques importantes : un morceau de la Vraie Croix et la Couronne d'épines.

En 1238, Louis IX rachète aux Vénitiens une partie des reliques, dont la couronne d'épines, gagées par l'empereur latin de Constantinople, Baudouin de Flandre, cousin de Louis IX.

Le 30 septembre 1241, la Vraie Croix et sept autres reliques du Christ, notamment le 'Saint Sang' et la 'Pierre du Sépulcre' sont acquises.

Enfin, en 1242, neuf autres reliques, dont la « Sainte Lance » et la « Sainte Éponge » venaient rejoindre les précédentes.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Croix

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Couronne

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte-Chapelle


Ces deux reliques sont présentes dans cette tapisserie : la Croix est portée par le roi Louis IX en personne et la Couronne par le Christ lui-même (la Licorne porte une "couronne" de feuilles de chêne, symbole de gloire et d'éternité). Les deux reliques sont accueillies aux portes de Paris où Louis IX a fait construire à leur intention un écrin dans l'île de la Cité : la Sainte-Chapelle.

Finesse de l'architecture - présence de fleurs de lys
édifice construit sur une île - toit bleu comme l'intérieur de la Chapelle

La construction de la Sainte-Chapelle fut à la fois un acte de piété et un acte politique d'affirmation du pouvoir. Des bas-reliefs sur les murs d'entrée représentaient ainsi les fleurs de lys, symbole de la royauté, et la tour de Castille, en hommage à Blanche de Castille, mère de Saint-Louis. Des colonnes intérieures sont elles aussi ornées de fleurs de lys sur fond azur alternant avec des tours sur fond pourpre. Le détail extrait de la tapisserie 6 pourrait rappeler l'un de ces édifices emblématiques avec la tour centrale plus haute que les deux autres de part et d'autre.

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Examinons ensemble un vitrail de la sainte-chapelle de Champigny-sur-Veude (Indre et Loire) : la baie 5 de la troisième verrière qui relate la translation des reliques à la Sainte-Chapelle de Paris qui jouxte dans le vitrail le Palais de Justice.

La chapelle a été construite dans la première moitié du 16è siècle. Elle abrite 11 verrières de plus de 8 m de haut sur 3m50 de large, dont la plupart ont été réalisées entre 1538 et 1561, certains vitraux n'étant terminés qu'au début du 17è siècle.

Tous les participants à la procession, laïcs et religieux, sont pieds nus.
Louis IX et ses frères portent le collier de l'ordre de Saint-Michel
et tiennent un cierge allumé.

Louis IX auréolé et les reliques

le même toit bleu

Comme dans La Chasse, de manière plus lisible ici , se retrouvent les mêmes éléments symboliques que Marie-Pierre Terrien analyse comme suit :
" Une troisième lecture, voilée, se surimpose aux deux autres :

- les deux " volets " fermés de la fenêtre évoquent deux livres, l'Ancien Testament et le Nouveau. Celui de gauche symbolise l'ancienne Loi, celui de droite, la nouvelle. Il est plus foncé car il fait allusion à l'éclipse qui s'est produite lors de la mort du Christ et qui est rappelée dans la verrière centrale par la présence du soleil et de la lune.

- La broche du religieux qui porte la couronne du Christ représente les Tables de la Loi. Mais l'ancienne Loi trouve son aboutissement dans le Christ, comme le rappelle la croix monumentale située en tête de la procession.

- L'étroite juxtaposition de la couronne et de la croix aux Tables de la Loi traduit la volonté d'associer les deux lois.

- La couronne d'épines est par ailleurs reprise comme en écho par la tonsure des prélats. Depuis le Moyen Age en effet, la forme de couronne qui résulte de la tonsure a pour but d'imiter la couronne d'épines du Christ. " (p. 58)

Marie-Pierre Terrien, Images de Saint Louis dans les vitraux de Champigny-sur-Veude, entre mythe et réalité, éd Pays & Terroir, Cholet, 2009

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vitrail de saint Louis, de ses frères et de la Sainte Couronne
provenant de Tours - 1245-1248
Galerie du début de l'époque gothique (salle de Mithra)
The Cloisters

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" La monarchie met en place un espace matériel, la Sainte-Chapelle - espace sacré géré par la monarchie -, et un espace liturgique, la fête du 11 août, afin de célébrer dignement cette sainte acquisition " écrit Chiara Mercuri. Les 11 août est le jour de l'arrivée de la Couronne à Sens. L'évêché de Paris faisait partie du diocèse de Sens.

Grâce à cette translation de Constantinople à Paris, " le roi de France devint le vertex maximus de la chrétienté et Paris, son phare ".

" Paris manquait alors d'une relique digne des grandes capitales de la chrétienté : Jérusalem avait été depuis toujours la ville-sanctuaire de la chrétienté, la gardienne par excellence des vestiges de la Passion du Christ ; Constantinople avait hérité de la plupart de ses reliques après les invasions musulmanes et, de plus, elle gardait la verge de Moïse qui, selon la légende médiévale, avait été envoyée à Constantin le Grand par un miracle. Et enfin Rome s'imposait comme véritable dépôt des restes des martyrs : Sancta Sanctorum de l'Occident chrétien. Mais si jusqu'alors Lutetia n'avait pas encore acquis l'aura des grandes capitales de la chrétienté, elle pouvait désormais y accéder : les rois y résidaient depuis deux siècles ; le pape respectait prudemment cette monarchie proche et puissante; l'université de Paris était née avec une réputation immédiate d'excellence, flatteuse pour l'époque, en ce qui concerne les études de théologie. "


Dans l'office liturgique composé à Sens, est suggérée " une correspondance entre la royauté du Christ et la royauté de Louis IX, entre Jérusalem et Paris, entre l'Arche d'Alliance et la couronne d'épines. " " La couronne du Christ est donc envoyée au roi de France qui devient le trait d'union et le garant de l'élection du nouvel Israël, alors que la regia parisiensis est devenue, grâce à la présence de la relique, le Sancta Sanctorum du royaume. "
" Ainsi, le roi de France détient ce rôle de gardien de la couronne du Christ jusqu'aux temps ultimes ", ceux du Jugement dernier annoncés par l'Apocaypse.

 

L'analyse de Chiara MERCURI, Stat inter spinas lilium : le Lys de France et la couronne d'épines
Le Moyen Age 2004/3-4, Tome CX, p. 497-512.
http://cour-de-france.fr/article213.html


http://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2004-3-page-497.htm

 

Le triomphe de la Croix

Les premiers chrétiens prirent pour symbole le poisson dont le nom grec ichthys est l'anagramme de Iesous Christos Théou Yios Soter, Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur.

Stèle du IIIe s., nécropole vaticane

Régis Burnet, « Ichthus : montrer le Christ par un jeu de mots », in Régis Courtray, Régis Burnet, Jérôme Lagouanère, Maguelone Renard (dir.), Du Jésus des Écritures au Christ des théologiens. Les Pères de l’Église, lecteurs de la vie de Jésus, Turnhout, Brepols, Cahiers de Biblia Patristica 24, 2023, p. 27-28.

https://www.brepolsonline.net/doi/pdf/10.1484/M.CBP-EB.5.134108


Ce n'est que le 28 octobre 312 que la Croix supplanta le poisson : Constantin venait d'avoir une vision céleste qui lui donnait la victoire sur Maxence : les deux lettres grecques XP du mot Christ s'incrivent dans le ciel et une voix lui dit : In hoc signo vinces, par ce signe tu vaincras.

Le supplice de la croix est supprimé par l’empereur Constantin (272-337) comme moyen de mise à mort.

Mosaïque, coupole centrale, vers 430
Ravenne, mausolée de l’impératrice Galla Placidia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mausol%C3%A9e_de_Galla_Placidia


La croix représentée seule « n’était pas une évocation de la mort du Christ, mais le symbole de sa victoire et de la vie nouvelle offerte en lui par sa mort et sa résurrection. »

Régis Courtray, "La croix", Du Jésus des Écritures au Christ des théologiens, p. 125-126.

Regardons la sixième tapisserie (où s'achève, en autres événements, La Passion de la Licorne-Christ) à la lecture du livre de René Girard, Je vois Satan tomber comme l'éclair (Grasset, 1999).

"Car la croix fait signe. Elle est un signe paradoxal, avec sa double face, sa face douloureuse et da face glorieuse, les deux faces d'un même mystère. Le récit évangélique va de la Passion à la Résurrection, de la souffrance à la glorification, de la mort à la vie." (Marie Madeleine en tous ses états, Cerf, 2008)

Que voyons-nous ? Certes, la mise à mort de la Licorne puis le transport de sa dépouille jusqu'à la ville sur le dos d'un cheval ; l'arrivée de notre Pèlerin devant le couple royal et une petite foule sortie de la ville ; mais aussi l'arrivée à l'extrême gauche de la Croix portée sur l'épaule par un homme dont l'épée dessine une petite croix verticale. N'assistons-nous pas là à une arrivée majestueuse, quasi triomphante ?

Comme nous préférons le faire, citons, plutôt que de le (mal) paraphraser, René Girard ; dans les extraits suivants, il oppose les mythes et les Evangiles et conclut sur " le triomphe de la Croix " :

" Les mythes inversent systématiquement la vérité. Ils innocentent les persécuteurs et blâment les victimes. Ils sont toujours trompeurs parce qu'ils sont eux-mêmes trompés et, à la différence des disciples d'Emmaüs après la Résurrection, rien ni personne ne vient jamais les éclairer.
Représenter la violence collective de façon exacte, comme le font les Evangiles, c'est lui refuser la valeur religieuse positive que lui accordent les mythes, c'est la contempler dans son horreur purement humaine, moralement coupable, c'est se libérer de l'illusion mythique qui, ou bien transforme la violence en action louable, sacrée, parce que utile à la communauté, ou bien l'évacue complètement, comme le fait de nos jours la recherche scientifique sur la mythologie. " (p.9)

 

" Les représentations théâtrales, elles aussi, sont enracinées dans la violence collective et ce sont des espèces de rites, mais plus nettoyés encore de leur violence que les sacrifices d'animaux, et plus riches sous le rapport culturel puisque ce sont toujours, au moins indirectement, des méditations sur l'origine du religieux et de la culture toute entière, des sources potentielles de savoir, ainsi que Sandor Goodhart nous le montre dans son Sacrificing Commentary (Baltimore, Johns Hopkins University, 1996).
Mais le but de la tragédie reste le même que celui des sacrifices. Il s'agit toujours de produire, parmi les membres de la communauté, une purification rituelle, la catharsis aristotélicienne, qui ne peut être qu'une version intellectualisée ou " sublimée ", comme dirait Freud, de l'effet sacrificiel originaire. " (p.125)

Songeons que chaque tapisserie de La Chasse est peut-être " la mise à plat " (en deux dimensions de laine et de soie) de représentations théâtrales imaginées par Jean Fouquet à partir de La Passion du Christ.

" Dès que le mécanisme victimaire est correctement épinglé ou plutôt cloué sur la Croix, son caractère dérisoire, insignifiant apparaît au grand jour et tout ce qui repose sur lui dans le monde perd graduellement son prestige, s'affaiblit et finira par disparaître.
Ici : la mise à mort (haut de la tap 6)

La métaphore principale est celle du triomphe au sens romain, c'est-à-dire la récompense que Rome accordait à ses généraux victorieux. Debout sur son char le triomphateur faisait une entrée solennelle dans la Ville sous les acclamations de la foule. Dans son cortège figuraient les chefs ennemis enchaînés. Avant de faire exécuter ces derniers, on les exhibait, telles des bêtes féroces réduites à l'impuissance. Vercingétorix joua ce rôle dans le triomphe de César.

 

Le général victorieux est ici le Christ et sa victoire c'est la Croix. Ce dont le christianisme triomphe c'est de l'organisation païenne du monde. Les chefs ennemis enchaînés derrière leur vainqueur sont les principautés et les puissances. L'auteur compare les effets irrésistibles de la Croix à ceux de la force militaire encore toute-puissante au moment où il écrivait, l'armée romaine.
De toutes les idées chrétiennes aucune de nos jours ne suscite plus de sarcasmes que celle qui s'exprime si ouvertement dans notre texte, l'idée d'un triomphe de la Croix. " (p.216)

A regarder, comme nous le faisons depuis si longtemps chaque tapisserie de La Chasse, nous avons l'impression que cette tenture cherche à démontrer :
— l'aspect inhumain et arbitraire de la chasse puis de la mise à mort de la licorne (dans les visages 'torturés' de haine de certains chasseurs et de certains chiens)

 

 

Patron de la Tenture de La Guerre de Troie - l'armement de Pirrus - 1465
Plume avec rehauts d'aquarelle - Musée du Louvre - département des Arts graphiques

 

 

 

Visages "inhumains" tirés des dessins de La Guerre de Troie de Henry de Vulcop pour " contempler la violence collective dans son horreur purement humaine, moralement coupable ". L'ouvrage Heures à l'usage de Bourges, imprimé sur parchemin et publié à Paris en 1511 par le libraire Simon Vostre, contient des illustrations dont certains personnages ont le même visage " fourbe " que ces chasseurs de La Chasse. Et certaines des femmes que la Mort vient chercher portent diverses coiffes que portent Mary ou Claude dans La Dame à la licorne de Cluny. (Bibliothèque municipale, Bourges, cote By 12024. Voir fol. b4v et fol. k6r. http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/index.asp?numfiche=1014).

A feuilleter les Livres d'Heures imprimés par le libraire Simon Vostre et à examiner les illustrations gravées par Philippe Pigouchet (actif entre 1488 et 1518) sur des dessins du Maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne, ex-Maître de La Chasse à la licorne, apparaîtront en marge des personnages assez semblables aux chasseurs de La Chasse, par leur physionomie et leurs attitudes ; et des coiffures ou des coiffes que les deux jeunes femmes de La Dame à la licorne portent, comme par exemple la chevelure en aigrette.

Des scènes dramatiques (contorsions, émoi, tension, horreur, terreur) rappelant l'école expressionniste de Ferrare autour de Cosmè Tura au Quattrocento.

 

La Guerre de Troie : La Chute de Troie - v.1470 - 11è et dernière tapisserie : Pyrrhus tue Priam
Musée de la Cathédrale - Zamora - Espagne

Le massacre des Innocents et la Fuite en Egypte
détail d'une tapisserie achetée à Bayeux
musée de l'université Bob Jones - Greenville - Caroline du Nord


— l'attitude " distante ", non participative, de neutralité, de certains chasseurs et de certains chiens. Des doigts accusateurs sont pointés qui nous semblent non accuser la Licorne-Christ, mais tout au contraire la désigner comme victime innocente de la violence collective, du " mécanisme victimaire "

 

— " le triomphe de la Croix " dans le sens que donne René Girard à cette expression (la Croix portée par Saint-Louis ?) (la licorne morte le cou ceint d'une couronne de chêne aux tiges épineuses).

L'artiste qui a conçu la tenture de La Chasse aurait fait alors des Evangiles une lecture identique à celle de René Girard.

" La victoire du Christ n'a rien à voir avec celle d'un général victorieux au lieu d'infliger sa violence aux autres, le Christ la subit. Ce qu'il faut retenir ici dans l'idée du triomphe ce n'est pas l'aspect militaire, c'est l'idée d'un spectacle offert à tous les hommes, c'est l'exhibition publique de ce que l'ennemi aurait dû dissimuler afin de se protéger, afin de persévérer dans son être que lui dérobe la Croix.
Loin d'être obtenu par la violence, le triomphe de la Croix est le fruit d'un renoncement si total que la violence peut se déchaîner tout son saoul sur le Christ, sans se douter qu'en se déchaînant, elle rend manifeste ce qu'il lui importe de dissimuler, sans soupçonner que ce déchaînement va se retourner contre elle cette fois car il sera enregistré et représenté très exactement dans les récits de la Passion. " (p.217)

" La souffrance de la Croix est le prix que Jésus accepte de payer pour offrir à l'humanité cette représentation vraie de l'origine dont elle reste prisonnière, et pour priver à la longue le mécanisme victimaire de son efficacité.
Dans le triomphe d'un général victorieux, l'exhibition humiliante du vaincu est seulement une conséquence de la victoire, alors qu'ici c'est cette victoire elle-même, c'est le dévoilement de l'origine violente. Ce n'est pas parce qu'elles sont défaites que les puissances sont données en spectacle, c'est parce qu'elles sont données en spectacle qu'elles sont défaites. " (p.221)


" Les sociétés mythico-rituelles sont prisonnières d'une circularité mimétique à laquelle elles ne peuvent pas échapper puisqu'elles ne la repèrent même pas. C'est vrai encore aujourd'hui : toutes nos pensées sur l'homme, toutes nos philosophies, toutes nos sciences sociales, toutes nos psychanalyses, etc., sont fondamentalement païennes en ceci qu'elles reposent sur un aveuglement au mimétisme conflictuel analogue à celui des systèmes mythico-rituels eux mêmes.
En nous permettant d'accéder à l'intelligence du mécanisme victimaire et des cycles mimétiques, les récits de la Passion permettent aux hommes de repérer leur prison invisible et de comprendre leur besoin de rédemption. " (p.231)

Ce " besoin de rédemption " est-il représenté par la marche - quête du Pèlerin au premier plan qui ne participe pas à la chasse et à la mise à mort mais qui rejoint la Croix lors de son " triomphe " ?

Cette croix et cet index pointé, nous les retrouvons aussi proches l'un de l'autre dans le Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci, tableau où l'index " phallique " vient échouer sur la croix " castratrice ".
" L'androgynie s'affirme symboliquement dans un accès barré au corps " (Frédérique Villemur, " Corriger la nature " : l'élection de la figure androgyne chez Léonard de Vinci et Michel Ange, in L'Androgyne en littérature, Simpact et Ed. Universitaires de Dijon, 2009, p65)

Mais si chez Léonard, il s'agit d'androgynie, il me paraît qu'il en est à l'opposé dans la cette tapisserie 6 de La Chasse. L'index ne se dirige pas vers la croix qui elle, désigne de sa pointe le massacre de la licorne-Christ, sa castration symbolique ; cet index est pointé sur la licorne morte porté par le cheval, et au-delà de ce cadavre, vers le Pèlerin qui achève sa quête et vers le roi qui paraît clore le dessin sur la droite.

La force virile attachée à ce signe " phallique " dispenserait alors son pouvoir sur ces trois personnes que sont le Christ, l'artiste et le roi. Le Christ Chair réellement Incarnation ; l'artiste enfin mûri aux silences ensoleillés de sa marche solitaire ; le mâle roi enfantant le fils dauphin de ses attentes.


 

Carl Gustav Jung (Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Georg, 1953, p. 441sq) note que, dans les mythologies, la recherche de l'acquisition de l'immortalité (sans commettre l'inceste) se réalise dans le symbole du dieu crucifié.

" Bien que l'Arbre de vie ait une signification maternelle, il n'est pourtant plus le mère elle-même, mais équivalent symbolique auquel le héros sacrifie sa vie […] Le sacrifice n'est du tout signe de régression, mais d'une réussite du transfert de la libido sur l'équivalent de la mère et par conséquent vers le spirituel. "

La suspension des victimes à des arbres était une coutume rituelle dans bien des peuples, chez les Germains surtout.
La suspension des victimes à des croix était un usage religieux de l'Amérique centrale, au Mexique en particulier.

les croix de Palenque

http://fr.wikipedia.org/wiki/Palenque

 

Jung signale l'existence d'une effigie de l'île de Philae qui représenterait Osiris sous la figure d'un crucifix, pleuré par Isis et Nephthys, ses sœurs épouses.

Le pilier Djed représentant Osiris est pleuré par Isis et Nephthys.
Tombes royales de Tanis
http://alain.guilleux.free.fr/tanis/tanis_tombes_royales.php

Selon Maurice (rapporté par Jung) : " C'est un fait non moins remarquable que bien attesté, que les Druides dans leurs bocages avaient coutume de choisir le plus majestueux et le plus beau des arbres comme emblème de la divinité qu'ils adoraient, et ayant coupé les branches latérales, ils fixaient deux des plus grandes la partie la plus haute du tronc, de telle façon que ces branches s'étendaient de chaque côté comme les bras d'un homme, et unies au corps formaient une énorme croix et dans l'écorce, en plusieurs endroits, était aussi inscrite la lettre " tau ". "

L'arbre de la science de la secte indienne des Dschainas a aussi la forme humaine.
La figuration de la divinité sous la forme d'une croix existe aussi dans le système assyrien.
Des idoles de la Grèce antique retrouvées à Egine ont également cette caractéristique : tête très longue et bras s'écartant latéralement.

Jung fait remarquer que " sur les gravures du christianisme primitif, le Christ n'est pas représenté cloué à la croix, mais debout devant elle, les bras étendus. "

" La croix paraît donc un symbole composé de multiples couches : une de ses significations essentielles est celle d' " arbre de vie " et de " mère ". On comprend donc pourquoi elle est symbolisée par une figure humaine.

 

 

La Passion du Christ

Herrade de Landsberg
Hortus deliciarum, le Jardin des Délices
lieu de création : le Mont Sainte-Odile - v. 1180-1195
copie du 19è s. du manuscrit détruit en 1870
B.M. Strasbourg - f. 150


- le soleil s'obscurcit
- le voile du Temple se déchire en plusieurs endroits au moment précis de la mort du Christ
- à droite : Stephaton, le porte-éponge, est placé devant saint Jean
- à gauche, devant la Vierge, Longin, le porte-lance
- le bon larron se tourne vers le Christ
- l'allégorie de l'Église à gauche : couronnée et assise sur un animal à quatre tètes, symboles des évangélistes, elle tient la croix-étendard etrecueille le sang dans un calice
- l'allégorie de la Synagogue à droite : montée sur un âne, elle tient l'animal et le couteau du sacrifice de l'ancienne Loi
- le Christ, nouvel Adam, surmonte le squelette du " premier homme ", sur le Golgotha, le "lieu du crâne"
- la terre ébranlée, les tombeaux s'ouvrent, de nombreux saints défunts ressuscitent

 

André Gaillard, Les mythes du christianisme
https://psychaanalyse.com/pdf/LES%20MYTHES%20DU%20CHRISTIANISME%20(168%20Pages%20-%201,1%20Mo).pdf

 

" Ces événements n'eurent jamais lieu, mais ils durent encore "

" Ces choses n'eurent jamais lieu, mais elles sont toujours"

Flavius Sallustius dit Saloustios
(préfet du prétoire des Gaules de 361 à 363 et conseiller de l'empereur Julien),
Des dieux et du monde, IV, IX
(traité néoplatonicien grec, sorte de catéchisme païen inspiré par Jamblique)

 


 

 

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